Rochefort, le 18 février 2008
Il ne reste que deux jours pour envoyer ma candidature au Jury du Livre Inter.
Et c’est déjà pour moi un grand progrès. Voilà au moins huit ans que j’entends les annonces à la radio, que j’y pense et que je rate le délai.
Je vais être sincère. Pourquoi cette année aller au-delà de la simple envie ?
Ecrire la lettre ?
Parce qu’il s’est passé tellement de choses dans ma vie ces derniers mois, que j’ai frôlé le gouffre de si près, qu’il s’est imposé que j’allais faire désormais et pour les années qui me restent à vivre tout ce que j’avais eu un jour l’idée de faire : chanter, danser, jouer de la musique, jouer la comédie, aller au Chili en cargo, écrire une lettre de candidature au Jury du Livre Inter... Comme les 50 choses que vous avez envie de faire avant de mourir, qu’on écoutait il y a 20 ans sur France culture ? Les papous dans la tête ?
Je viens de dévorer les années d’Annie Ernaux. Je l’ai lu trop vite comme si les mots brûlaient . Curieux pour une écrivain à qui est accollée une image de froideur. La place que j’ai lu à sa sortie en 1984 ( j’avais 23 ans) a bouleversé ma vie. Je lis ses propos rapportés dans Télérama . Elle parle de ses livres : « Mon devoir. Pour que d’autres puissent s’avouer peut-être : vous me donnez envie de parler de moi. C’est ça, le rôle de l’écriture, quand elle mérite se s’appeler littérature. Un rôle de purification : de catharsis.»
J’étais une petite fille, plutôt enfermée, vivant dans ces grands immeubles dont on ne sortait pas. J’ai lu, allongée sur la moquette comme les enfants de la campagne grimpaient aux arbres et couraient au grand air. J’ai lu comme beaucoup de gens tout et n’importe quoi. Ce qui trainait dans la maison. Puis ce que l’école nous a donné à lire.
Certains livres renvoient à des lieux sans qu’on sache bien pourquoi.
W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec à la gare du Havre, par exemple, il n’y a pas de raison.
D’autres plus clairement à des temps de notre vie bien précis, simplement parce qu’on se souvient de les avoir lu à ce moment-là.
Le Cul de Judas de Lobo Antunes dans l’avion en allant retrouver un amour portugais impossible.
Le quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell, à Lisbonne où je vivais, lecture partagée et à distance avec un Breton qui allait devenir mon mari. Mais les choses n’étant pas simples conseillé par un autre en d’autres temps.
Puis la littérature portugaise, brésilienne, africaine de langue portugaise à l’Université, épluchée, découpée, soulignée, triturée non sans un certain plaisir mais différent de celui qu’on ressentait à 12 ans sur la moquette.
Il y aussi les livres qu’on croit avoir écrit ou qu’on voudrait croire . A 20 ans : tout Marguerite Duras.
Il y a aussi les rencontres. Tu devrais lire, ça te plairait... Un ami sénégalais « tu devrais lire
« une si longue lettre » de Mariama Ba »
Et puis ma sœur qui resta , encore plus que moi, allongée sur la moquette à lire pendant des heures ( au grand désespoir d’un père qui nous rêvait sportifs de haut niveau) qui, chaque année, plusieurs fois par an me fait partager ses découvertes. Il y eut grâce à elle : Les yeux dans les arbres de Barbara Kingsolver
L’impression qu’on pourrait écrire ses mémoires en citant les gens, les lieux, les événements et les livres qu’on lisait alors. Un titre, une phrase qui rebâtit aussitôt des pans entiers de nos vies qu’on avait oublié ou démoli.
Et aussi le hasard.
Quelle idée m’avait pris de lire Goethe ( Wilhem Meister) en attendant mon premier enfant ?
Les voyages impossibles et sans brûler de kérosène. Je quitte la Dina de Wasmo et ses fjords pour le Nebraska de Willa Carter . Je repars à Bergen avec Gunnar Staalesen en ayant fait un détour par une petite ville de Russie où m’attendent Trois sœurs qui pourraient être les miennes, parfait cadeau de Noël d'un homme de goût au terme d’une année qui avait si mal commencé et s’est terminé comme un roman.
Car les livres peuvent aussi nous sauver du désastre. Sans qu’on sache trop pourquoi ? Récemment Thera de Zéroya Shalev.
Cette petite introspection ouvre sur une bibliothèque dont je vous offre la photo.
Pleine aussi de romans policiers. De bandes dessinées. De Poésie.
Voilà, rapide, pas préparé. Un premier essai. Ferai mieux l’année prochaine. M’y prendrai à l’avance.
Il faut dire qui on est. Je suis Christine C., 46 ans. Mariée, trois enfants. J’ai eu beaucoup de métiers. Journaliste dans des petites villes de province à 20 ans. Vendeuse, sept plus tard, à la librairie Galerne au Havre. Traductrice de dossiers de Sécurité Sociale des travailleurs émigrés portugais tombés des échafaudages. Enseigné le français aux Açores, les arts plastiques à Prague. Et je fais aujourd’hui le métier que je rêvais de faire à 12 ans. Institutrice depuis 8 ans à Rochefort sur Mer dans le décor d’un film de mon cinéaste préféré. A vivre une nouvelle vie avec les livres : Partager avec les élèves des livres exceptionnels comme Otto de Tomi Ungerer ou Le Hollandais sans peine de Marie Aude Murail.
Pourquoi elle est rose ma bibliothèque. Pour me rappeler que, snob, j'ai oublié de la citer la Bibliothèque rose et son Oui-OUI et la gomme magique, le premier livre que j'ai dû lire. La gomme magique, que j'ai gardée dans ma poche" pour balayer le pire et gardé le meilleur"
3 commentaires:
et 50 choses auxquelles mourir avant de faire...
Oui-OUI
Je crois que tu as oublié quelqu'un ...
Cesare P. ( Turin)
Je crois bien aussi... il est des ingratitudes...
Jean R. écrivain( Roseau)
Enregistrer un commentaire