10 juin 2008

des corbeaux, une laveuse, une herbe bleue bavarde...




Aujourd'hui Jules m'a fait un beau cadeau. C'est un hasard puisqu'il paraît que le destin n'existe pas. Il a apporté un conte pour que je le lise. Un conte qu'il aime bien. ça s'appelle "le roi des corbeaux". J'aime pas qu'on dise du mal des corbeaux. Si j'étais née en Australie, X. pense que le corbeau aurait été mon frère. Chez les Aborigènes. Bon, mais ce n'est pas le cas. Donc, le conte. Il était une fois un homme vert comme l’herbe, avec un œil au milieu du front. Il avait trois filles très belles.
Un oiseau, grand comme un taureau, noir comme le charbon, se dit le Roi des Corbeaux et lui demande une de ses filles en mariage. Les deux aînées refusent, elles sont fiancées à des fils de roi. La cadette a dix ans, le père ne lui parle de rien.
Le lendemain, le père apprend le refus au Roi des Corbeaux. Celui-ci crève l’œil unique de l’homme. La cadette vient au secours de son père, apprend la demande du Roi des Corbeaux et veut bien l’épouser. En apprenant cela, le Roi des Corbeaux rend la vue au père. Le lendemain, la fiancée est prête avec robe blanche, voile, bouquet, couronne. Une nuée
de corbeaux préparent la cérémonie. Le Roi des Corbeaux est caché sous un grand linceul blanc. Un prêtre, venu on ne sait d’où, officie.
Après le mariage, les corbeaux emportent leur reine au pays du froid et de la glace. La petite Reine les remercie, entre dans un château. Lumières, feux ardents, table mise pour une personne.
La Reine va se coucher dans un lit aux rideaux d’or et d’argent. Au premier coup de minuit, avant d’entrer dans la chambre, le roi fait souffler la lumière.
- « Écoute, femme, j’étais roi chez les hommes. Un méchant sorcier nous a changés en corbeaux, mon peuple et moi. Mon épreuve finira grâce à toi. Mais tu n’as que dix ans. Tu deviendras vraiment ma femme dans sept ans. Garde toi d’essayer de me voir ou il arrivera un grand malheur. »

Le Roi des Corbeaux se dépouille de son plumage, se couche, met une épée nue entre la Reine et lui. Le lendemain, avant le jour, le Roi remet son plumage, reprend son épée, s’en va. Et ainsi, nuit après nuit.
La Reine s’ennuie à ne voir personne. Un jour, elle va se promener. Elle arrive au-dessus d’une haute montagne. Là, une femme lave du linge noir comme la suie.
- « Je vais vous aider ». La Reine plonge ses mains dans l’eau, le linge devient blanc comme

lait.
- « Tu as levé mon mauvais sort mais toi, tu n’as pas fini de souffrir. »
A sept ans moins un jour, la Reine ne résiste plus.
Elle cache soigneusement une lampe. Quand le Roi est endormi, elle sort sa lampe et voit un homme beau comme le jour. Un goutte d’huile chaude tombe sur le Roi, l’éveille.
- « Femme, tu seras cause de grands malheurs. Pars de ce château et que le Bon Dieu t’accompagne ».
Le sorcier emporte le Roi au sommet d’une montagne dans une île. Il l’enchaîne et le fait garder par un loup blanc et un loup noir. Le blanc pour le jour, le noir pour la nuit.

Au désespoir, la Reine sort du château, marche en pleurant. Elle va voir la vieille lavandière.
- « Tu m’as rendu service jadis, à mon tour de t’aider. Prends ces souliers de fer pour aller à la recherche de ton mari. Il se trouve enchaîné au sommet d’une montagne dans une île. Voilà une besace où le pain ne manquera pas, une gourde où le vin ne manquera pas. Voilà un couteau pour te défendre et aussi pour couper l’herbe bleue qui chante et qui brise le fer. Quand tes souliers se rompront, tu sera près de retrouver le Roi des Corbeaux.
Après de multiples péripéties, pendant trois années, sans jamais se décourager, la Reine cherche l’herbe bleue qui chante et qui brise le fer. Sans la voir, elle marche dessus. Ses souliers se rompent. Avec son couteau, elle coupe l’herbe bleue. Elle va au bord de la mer où un canot l’attend.
Elle arrive à l’île, escalade la montagne. L’herbe bleue chante, les loups s’endorment. La Reine les tue avec son couteau. Avec l’herbe bleue, elle touche la chaîne qui attache le Roi. La chaîne disparaît.
Le Roi se lève, fier et beau. Il appelle son peuple. Des nuées de corbeaux atterrissent sur l’île, se changent en hommes.
Des navires apparaissent. Ils rentrent tous au pays.
M-C.D.

D’après le Roi des Corbeaux, conte de Gascogne, recueilli par J-F Bladé, in Il était une fois, Gründ 1947.


Merci Jules. Il y a tout là dedans. Les corbeaux. Le noir et le blanc. Le drap. L'impatience des jeunes filles. La laveuse, son drap noir de suie. L'île. L'amour .

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci pour ce conte du soir avant d'aller au lit ! swk