04 juin 2008

Have you got a pet ?




A ce Bestiaire,
il convient d'ajouter l'escargot.

A la devinette, " Je porte ma maison sur mon dos, je suis ... " la fille de Marie Hélène avait répondu : " je suis costaud."

Celui-ci est un gros gris d'Afrique du Nord. C'est un descendant des gros reproducteurs que m'avait donné M. Charlet, éleveur d'escargots au Moulin de Razour à Pont L'abbé d'Arnoult pour mon élevage de l'école maternelle Zola.

Je l'ai surpris ce soir en pleine ascension (et festin) de la rose trémière de la cour . Il a bien voulu se laisser tirer le portrait en exclusivité.

Tiens, un peu de poésie avant d'aller au lit :

(…) C’est parfois une gêne d’emporter partout avec soi cette coquille mais ils ne s’en plaignent pas et finalement ils en sont bien contents. Il est précieux, où que l’on se trouve, de pouvoir rentrer chez soi et défier les importuns. Cela valait bien la peine.

Ils bavent d’orgueil de cette faculté, de cette commodité. “Comment se peut-il que je sois un être si sensible et si vulnérable, et à la fois si à l’abri des assauts des importuns, si possédant son bonheur et sa tranquillité. D’où ce merveilleux port de tête.

A la fois si collé au sol, si touchant et si lent, si progressif et si capable de me décoller du sol pour rentrer en moi-même et alors après moi le déluge, un coup de pied peut me faire rouler n’importe où. Je suis bien sûr de me rétablir sur pied et de recoller au sol où le sort m’aura relégué et d’y trouver ma pâture : la terre, le plus commun des aliments.”

Quel bonheur, quelle joie donc d’être un escargot. Mais cette bave d’orgueil ils en imposent la marque à tout ce qu’ils touchent. Un sillage argenté les suit. Et peut-être les signale au bec des volatiles qui en sont friands. Voilà le hic, la question, être ou ne pas être (des vaniteux), le danger.

Seul, évidemment l’escargot est bien seul. Il n’a pas beaucoup d’amis. Mais il n’en a pas besoin pour son bonheur. Il colle si bien à la nature, il en jouit si parfaitement de si près, il est l’ami du sol qu’il baise de tout son corps, et des feuilles, et du ciel vers quoi il lève si fièrement la tête, avec ses globes d’yeux si sensibles ; noblesse, lenteur, sagesse, orgueil, vanité, fierté.

(…) Rien n’est beau comme cette façon d’avancer si lente et si sûre et si discrète, au prix de quels efforts ce glissement parfait dont ils honorent la terre ! Tout comme un long navire, au sillage argenté. Cette façon de procéder est majestueuse, surtout si l’on tient compte encore une fois de cette vulnérabilité, de ces globes d’yeux si sensibles.

La colère des escargots est-elle perceptible ? Y en a-t-il des exemples ? Comme elle est sans aucun geste, sans doute se manifeste-t-elle seulement par une sécrétion de bave plus floculente et plus rapide. Cette bave d’orgueil. L’on voit ici que l’expression de leur colère est la même que celle de leur orgueil. Ainsi se rassurent-ils et en imposent-ils au monde d’une façon plus riche, argentée.

L’expression de leur colère, comme de leur orgueil, devient brillante en séchant. Mais aussi elle constitue leur trace et les désigne au ravisseur (au prédateur). De plus elle est éphémère et ne dure que jusqu’à la prochaine pluie. (...)


(Francis Ponge, Le parti pris des choses )




1 commentaire:

Anonyme a dit…
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