27 juin 2008

Je ne suspendrai pas mon ombre sur la corde à linge

Presque tous les jours, Joao met sur son blog un texte d'un poète (inconnu de moi, que je ne connais pas) . C'est parfois en anglais, parfois en français, parfois il me semble dans la langue maternelle du poète.

Quand j'étais enfant, je voulais être poète, je me levais la nuit pour noter mes rimes, j'avais une vision très classique du vers.
Au Club poésie de 6ème, j'ai claqué la porte. Je ne jurais que par Charles Péguy.
Lui, il nous récitait Aragon et Desnos. Une fois dehors, je me suis sentie bête mais comment rerentrer après un tel coup d'éclat sans perdre la face devant mes congénères ? J'enviais ceux qui étaient restés.
Cela amusa beaucoup le professeur qui en parla à mes parents.
Je ne suis pas devenue poète mais j'ai sympathisé avec Aragon et Desnos.

Je copie-colle un poème de Fathy Safaa sur le blog de Joao. Je m'aperçois qu'elle a déjà écrit dans
Vacarme.

Dans le numéro de l'été
Au sommaire : les Kanaks, l'évaluation-en-finir-avec...

On dirait qu'ils ont fait un numéro pour moi. Je viens juste de rendre les fameuses chemises vertes pleines d'espoir et de désespoir.
On a une moyenne générale? Non.
Qui c'est le meilleur de la classe ? ça dépend pour quoi.
Le meilleur en dictée. En pieds au mur. Pour chanter le Sud. Pour calculer des durées. Pour parler aux têtards. Pour faire le K majuscule, dur, dur le K majuscule. Pour nourrir son Tamagoshi en classe sans se faire prendre. Pour piquer les stylos rouges de la maîtresse.Pour plonger Charlemagne dans la baignoire de Clovis et faire vivre des esquimaux en Antarctique. Ou pour écouter la Barbe-Bleue. Non vraiment il n'y a pas de moyenne et il n'y a pas de meilleur. Rideau. On oublie tout.

Et maintenant, la poésie.


Nom à la mer

Je ne suspendrai pas mon ombre sur une corde à linge

mais la jetterai au détour du chemin et
Je te rencontrerai
alors que tu me quittes pour elle
Tu me dépasseras fatalement
Quant à moi, je m'amuserai :
avec les lettres de mon nom qui m'ont échappé un matin et se sont éparpillées.

Dans la maison du bateleur, dans son coffre ou dans son théâtre,
dans son jeu, dans sa magie,
et dans mon enfance que je pousse à ruser
non parce qu'elle est un vol d'oiseaux que je mène à leur nid la nuit
mais aussi une promesse qui m'a quittée suivant cette même ombre,
mon ombre avalant le sommeil.

Lorsque la mare au-dessus du ravin se mit à frémir
après qu'un poisson d'argent se fut insinué en elle jusqu’au fond de son ventre
ce poisson luisant qui me glisse toujours entre les doigts
quand je cherche les phrases alignées comme des briques entre les deux limites
afin d'en faire ma maison
ou ma chambre
ou mon lit
Là, là où je n’ai pas de pays, dans le non de la terre à la terre, dans le non de la patrie à mes pères

là où ce nom avoisine ce que ma mère a planté
et sa langue est une pousse dans le carré de boue de mon enfance,
La langue qu'elle a mise dans ma bouche et qui m'est devenue une mère
à la place de la Mère langue.
FATHY Safaa

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